L’étranger

Quand mon portable a sonné, je venais de commencer la lecture de  L’étranger  : « Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile : « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. » Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier. »

« Maman est décédée cette nuit ». Mon père a raccroché.

Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier. On ne peut pas savoir : Cette nuit…

Il fait très chaud. Je marche sur la plage, à 11 heures de vol de la chambre funéraire de l’hôpital.

Il est un peu plus de dix huit heures.

Dans quelques minutes, le soleil disparaîtra.

Brutalement.

A cause des évènements, l’aéroport est fermé. Ce n’est pas de ma faute. Je n’arriverai pas, comme Meursault, dans l’après-midi. Je n’ai pas eu à demander, comme Meursault, deux jours de congé à mon patron même s’il n’aurait pas pu me les refuser avec une excuse pareille.

Je ne suis pas Meursault. Je ne suis pas le personnage d’un roman de Camus.

Aujourd’hui, maman est morte. 

Orphelin de mère. C’est comme ça qu’on dit : orphelin de mère.

Il fait très chaud. J’ai mangé au restaurant, sur la plage, à Boucan, comme d’habitude. Personne n’avait de peine pour moi, personne ne m’a dit « On n’a qu’une mère ».

La nouvelle n’est pas encore arrivée jusqu’à mes larmes.

« Pour le moment, c’est un peu comme si maman n’était pas morte. Après l’enterrement, au contraire, ce sera une affaire classée et tout aura revêtu une allure plus officielle ».

Aujourd’hui, maman est morte.

Il fait encore très chaud.

Je marche sur la plage.

Le soleil vient de disparaître.

Brutalement.

Driss Galabel

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