Ricardo a toujours entraîné son frère dans son sillage. Ce jour là il fait très chaud et l’air brûlant dessine des mirages sur le sable. Les deux garçons avancent à grands pas, le torse nu offert aux rayons ardents.
– On aurait du prendre des chapeaux , pense Sergio le cadet.
– Allez avance, dit Ricardo, il faut qu’on traverse cette plage. Je veux aller au port de l’autre côté. Notre barque nous y attend pour faire une belle pêche. Maman sera contente.
– Mais ça fait plus d’une heure qu’on marche. On devrait être arrivé depuis longtemps.
– On peut pas se perdre ; on longe la mer.
– Et si on essayait une autre direction ?
– Qu’est ce que tu racontes. Tu sais bien que le port est au sud de la plage.
– Et si on traversait la plage dans le sens de la largeur ? On retrouverait la route derrière la dune.
– Bon si tu veux.
Ils tournent alors sur leur gauche et piquent vers l’Est. Ils arrivent bientôt au cordon de dunes qu’ils franchissent facilement. Leurs jeunes corps pleins d’énergie grimpent la côte sans souffrir. Mais derrière la dune pas de route… seulement d’autres dunes.
– Peut être qu’à cet endroit il y a plusieurs dunes entre la plage et la route.
– Peut-être. Suis moi.
Sergio emboîte le pas à son frère. Ils escaladent plusieurs dunes mais toujours pas de route.
– On n’entend plus la mer. On va se perdre.
– Tais toi et marche. On n’est pas dans le désert.
– Ben si justement on y est. Et si on faisait demi tour ?
– Faudrait savoir ce que tu veux.
– J’ai peur et j’ai soif aussi.
– Quelle mauviette tu fais.
– Je veux retourner sur la plage. Au moins on sait où on est.
– Non on continue, la route ne doit pas être loin.
Ils marchent encore une heure en vain. Ricardo est bien obligé d’admettre qu’ils sont perdus.
– Mais comment c’est possible ? Je ne comprends pas.
Sergio fait la tête de quelqu’un qui va se mettre à pleurer.
– Bon arrêtons nous pour réfléchir, d’accord ?
Ricardo sort un bonbon de sa poche qu’il tend à son petit frère. Sergio le développe et le met dans sa bouche sans se faire prier.
– On va attendre que le soleil baisse encore un peu pour trouver l’ouest de manière certaine. A partir de là on reviendra sur nos pas et on retrouvera l’océan.
– Ah tu vois bien qu’on est perdu. En fait tu sais pas où on est.
– Peut-être qu’on a marché parallèlement à la mer.
– Mais on a traversé des dunes pourtant.
– Je sais c’est incompréhensible.
– Moi je suis crevé. Faut qu’on se repose.
– C’est pas le moment. Il faut suivre la direction du soleil. C’est notre seule chance. Allez c’est parti. Dans deux heures tout sera fini.
– Mais j’en peux plus je te jure.
– Allez prend sur toi . Il faut y aller.
Ils repartent d’un pas fatigué . Leurs pieds s’enfoncent dans le sable qui ralentit leur allure.
Au bout d’une heure, le jour ayant bien baissé, ils font une brève pause avant de reprendre leur marche. Le soleil finit par se coucher et les étoiles font leur apparition.
– J’ai jamais su m’orienter avec les étoiles. C’est dommage.
– T es sûr qu’on est dans la bonne direction?
– Oui ,oui t’inquiète pas.
Soudain au sommet d’une énième dune ils entendent le ressac de l’océan. Sauvés ! Ils ont retrouvé la plage. Ils vont rentrer chez eux épuisés et assoiffés. Ils ne sauront jamais dans quel pays ils sont allés. Demain ils iront au port par la route comme d’habitude. Sergio continuera à faire confiance à son aîné. Ricardo continuera à protéger son frère. Plus jamais ils n’essaieront de retourner sur les lieux car ils ont tous les deux le sentiment d’avoir frôlé la mort. Ils n’en parleront jamais non plus et cela restera entre eux comme un secret bien gardé.
Caroline Janicot